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Vers une meilleure caractérisation du VHE du rat transmissible à l’homme

virus de l'hépatite E

Dr Sylvain Beorchia | 09 Mai 2025 (JIM/J.JHEP))

Le virus de l’hépatite E appartient à la famille Hepeviridae, plus précisément au genre Orthohepevirus, qui est divisé en plusieurs espèces (A, B, C, D). Les humains sont généralement infectés par des virus appartenant à l’espèce Orthohepevirus A (Paslahepevirus balayani, constituée de huit génotypes), qui touche plus de 20 millions de personnes dans le monde et cause jusqu’à 70 000 décès par an.

Les rats peuvent être infectés par une autre espèce appelée Orthohepevirus C (notamment le génotype C1Piscihepevirus Rocahepevirus ratti, ou VHE-rat, rVHE), virus découvert relativement, présent dans le monde entier chez diverses espèces de rats. En 2018, le rVHE s’est révélé capable de franchir les barrières interspécifiques pour infecter l’homme et être à l’origine d’infections aiguës spontanément résolutives mais aussi de cas graves d’insuffisance hépatique aiguë mortelle et d’infections persistantes chez des sujets immunodéprimés.

Ce virus de l’hépatite E du rat est une cause émergente d’hépatite aiguë dans le monde. Le nombre limité de cas de rVHE inventoriés pourrait être lié à l’absence de méthode appropriée pour un diagnostic moléculaire standardisé et sensible expliquant l’incertitude concernant les cas cliniques antérieurement analysés.

Le développement d’un algorithme moléculaire diagnostique

Caballero-Gómez et Coll. ont établi une approche diagnostique moléculaire sensible pour dépister le rVHE dans différentes cohortes de rongeurs, ainsi que chez 562 patients atteints d’hépatite aiguë d’origine inconnue. L’algorithme développé a montré que 17,5 % des 103 rongeurs d’une cohorte de validation étaient infectés par le rVHE. 

Parmi la cohorte clinique de 562 patients atteints d’une hépatite aiguë d’origine inconnue, des infections par le rVHE ont été initialement détectées par RT-PCR chez 51 sujets, dont 8 ont été confirmées par séquençage. Cela correspond à une fréquence de 1,4 % des cas.

Quatre patients présentaient une hépatite sévère nécessitant une hospitalisation, dont un est décédé. Les auteurs rapportent également la présence d’une insuffisance rénale aiguë et d’une pancréatite aiguë, considérées comme des manifestations extrahépatiques présumées. 

Une épidémiologie du virus qui reste à préciser

L’identification du rVHE comme un problème de santé publique a été rendue possible grâce au développement d’un algorithme de diagnostic moléculaire performant. Cette approche méthodologique One Health a permis d’identifier et d’évaluer des tests moléculaires pour le dépistage du VHE chez le rat puis chez l’homme avec une confirmation moléculaire complète de l’infection par le rVHE. 

Les souches de rVHE identifiées chez l’homme ont probablement été transmises par contact direct ou indirect avec des rongeurs infectés. Des cas similaires ont été identifié à Hong Kong, confortant l’hypothèse de cycles de transmission régionaux, tandis que les cas recensés au Canada et en France ont une origine géographique incertaine.

La répartition mondiale exacte du rVHE chez l’homme reste largement inconnue et les études futures devront réaliser des analyses phylogéographiques plus précises et identifier les sources potentielles de transmission. La détection relativement fréquente du rVHE suggère que sa transmission à l’homme n’est ni rare ni aléatoire, malgré le peu de données disponibles sur l’incidence de l’infection par ce virus chez l’homme.

Il présente une étroite parenté génétique (identité nucléotidique de 82 à 99,5 %) avec celle précédemment détectée chez des rats espagnols. 

Des similitudes cliniques entre VHE classique et VHE du rat

L’évolution clinique observée chez les cas de rVHE identifiés dans cette étude concorde avec celle des rapports précédents, renforçant le rôle de ce virus comme cause émergente d’hépatite aiguë avec manifestations extrahépatiques. En raison de la similitude du rVHE avec le VHE classique, l’évolution des infections par les deux virus est probablement comparable.

En Asie, l’infection par le rVHE suit une évolution similaire à celle du VHE en termes d’atteinte hépatique et de taux de mortalité. Cependant, ce résultat n’est pas extrapolable à d’autres régions en raison d’importantes différences dans l’épidémiologie des 8 génotypes du VHE. Des études complémentaires devraient donc être menées pour élucider les différences potentielles entre l’évolution clinique du rVHE et du VHE dans la population européenne.

Les facteurs de risque d’infection par ce nouveau virus chez l’homme ne sont pas bien connus. Si les rats constituent à la fois un réservoir évolutif et une source zoonotique d’infection, les voies d’exposition (directe, par l’intermédiaire d’aliments contaminés ou par l’ingestion d’excréments de rongeurs) doivent faire l’objet d’autres travaux. Enfin, le même groupe a également signalé la détection du rVHE chez des porcs espagnols. 

Les limites de cette nouvelle RT-PCR 

Plusieurs limites doivent être prises en compte. L’utilisation d’un seuil d’ALAT à 3N au lieu des 10N habituellement requis pour parler d’hépatite aiguë pourrait entraîner un biais de sélection des patients atteints d’autres pathologies provoquant une augmentation légère et chronique des transaminases, comme une MASLD et/ou une maladie hépatique liée à l’alcool.

De plus, 4/8 patients positifs ont dû être hospitalisés contrastant avec les données concernant les cas de VHE aigus et chroniques. De plus, aucune information n’est fournie sur la manière dont l’hépatite auto-immune ou les lésions hépatiques d’origine médicamenteuse ont été exclues. Il serait également utile de savoir si une biopsie hépatique a été réalisée dans tous les cas d’infection par le VHE chez le rat.

Malgré la disponibilité de quelques tests automatisés et l’établissement d’une norme internationale par l’OMS, de nombreux centres utilisent encore des techniques internes présentant une sensibilité relativement faible. On manque d’informations sur le test ARN du VHE utilisé et sa reproductibilité sur des échantillons séparés de sujets positifs à ce virus émergent.

L’évaluation de la RT-PCR du rVHE dans un groupe témoin, composé de patients indemnes d’hépatite aiguë ou d’hépatite aiguë de causes bien définies, pourrait également contribuer à confirmer les résultats. On note enfin l’absence de suivi microbiologique à moyen et long terme de certains patients, notamment atteints de cancer, à la recherche d’une infection chronique.

Toutes ces données soulignent la nécessité d’améliorer les protocoles de séquençage Sanger pour ce virus émergent et de développer des méthodes de séquençage avancées pour les génomes entiers du rVHE, par exemple en utilisant des techniques de séquençage de nouvelle génération (NGS).

Une sérologie anti-rVHE peu concluante

Conformément à d’autres études, ces résultats soulignent la complexité de la détection des anticorps dans les infections humaines par le rVHE. Le moment de la réalisation du test par rapport à l’infection est un élément important à prendre en compte pour expliquer la faible charge virale constatée dans cette étude. Ainsi, dans les cas humains d’infection par le Paslahepevirus, la charge virale atteint souvent un pic avant l’apparition des symptômes de l’hépatite.

Il est donc possible que la charge virale ait déjà commencé à diminuer au moment du prélèvement, tandis que les anticorps s’étaient déjà formés. Outre la détection moléculaire, la présente étude tente d’apporter de nouvelles perspectives sur la sérologie du rVHE, bien que les résultats restent peu concluants pour les IgM et IgG.

L’un des défis des tests sérologiques pour ce nouveau virus réside dans la potentielle réactivité croisée entre les anticorps anti-Paslahepevirus et anti-Rocahepevirus, qui peut conduire à des résultats ambigus et difficiles à interpréter.

En conclusion, le rVHE représente une cause sous-diagnostiquée d’hépatite aiguë. L’infection par ce virus proche des souches connues du VHE classique doit être évoquée comme diagnostic différentiel dans tous les cas d’hépatite indéterminée.

Grâce au développement d’un algorithme de diagnostic moléculaire sensible, le rVHE a été identifié chez des rongeurs réservoirs et des patients humains, révélant une grande diversité et des relations phylogénétiques étroites entre les souches.

Ces résultats soulignent également la nécessité d’améliorer les techniques de séquençage, de standardiser le diagnostic moléculaire de PCR et d’étendre les évaluations géographiques. Ceci permettrait d’améliorer la précision diagnostique et la compréhension de l’épidémiologie de cette nouvelle zoonose pouvant infecter l’homme en Europe. 


References

Caballero-Gómez J, Casares-Jiménez M, Gallo-Marín M, et al ; GEHEP-014 Study Group. Rat hepatitis E virus as an aetiological agent of acute hepatitis of unknown origin. J Hepatol. 2025 Feb 26:S0168-8278(25)00136-9. doi: 10.1016/j.jhep.2025.02.027.