Six partis, huit enjeux d’importance
Au cours des 3 dernières années, les surdoses mortelles et non-mortelles ont plus que jamais fait partie du quotidien des personnes faisant usage de drogues et de leurs proches. Selon l’Institut national de santé publique du Québec, il y a depuis 2018 au Québec en moyenne 38 décès par mois causés par une intoxication suspectée aux opioïdes et autres drogues¹. D’avril 2021 à mars 2022, il y a eu 547 décès. Le mois de mars 2022 aura été tragiquement historique avec 52 décès. Il n’y a toutefois pas de portrait national permettant de décrire le nombre de surdoses non-mortelles.
Le Québec a été particulièrement proactif au cours des dernières décennies à mettre en place des programmes imprégnés de l’approche de réduction des méfaits liés à l’usage de drogues qui se sont révélés efficaces. Il nous apparaît cependant évident que le gouvernement actuel ne se mobilise pas autant alors que cette problématique prend constamment de l’ampleur et qu’elle s’inscrit encore aujourd’hui dans un contexte de crise des surdoses au Canada et en Amérique du Nord.
La publication discrète de la Stratégie nationale de prévention des surdoses de substances psychoactives 2022-2025 en juillet 2022 a permis de confirmer des mesures menées par les organismes communautaires, notamment de consolider et d’étendre les services de consommation supervisée et de consolider les services de vérification de drogues. On se demande toutefois comment cette consolidation pourrait se faire alors que le budget de 15 M$ annuel pour la Stratégie n’a pas été indexé. Les organismes ne disposent pas des financements nécessaires pour mettre en place des services qui sauveraient un nombre incalculable de vies.
Malgré l’intention dans la Stratégie de soutenir le développement des pratiques d’approvisionnement plus sécuritaire de drogues, il n’y a pas d’orientations concrètes pour y arriver alors que d’autres provinces ont déjà implanté de tels programmes depuis quelques années. Des budgets du Programme de Santé Canada sur l’usage et les dépendances aux substances (PUDS) sont pourtant disponibles pour le Québec mais ils ne sont pas utilisés à cette fin. Pour que les organismes communautaires puissent entre autres offrir de tels services, ils ont besoin d’être davantage soutenus.
Il faut aussi que des médecins de famille puissent bénéficier d’un meilleur soutien favorisant leur implication et ainsi agir en complémentarité avec les organismes communautaires.
La Stratégie vise aussi à favoriser l’adoption de politiques publiques axées sur les besoins sociaux et de santé des personnes utilisatrices de substances psychoactives. Les ministres de la Justice, de la Santé et des Services sociaux et de la Sécurité publique du Québec ont été interpellés par notre coalition le 9 décembre 2020, ainsi que par 16 directeurs de santé publique le 25 mai 2021, afin que le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec incite ses procureurs, comme l’a fait le Service des poursuite pénales du Canada le 17 août 2020² auprès des procureurs fédéraux, à se concentrer sur les cas les plus graves de possession simple soulevant des problèmes de sécurité publique. Le gouvernement du Québec a indiqué n’avoir aucune intention de procéder. Le Programme de rechange décrit dans le Plan stratégique 2019-2023 du ministère de la Justice permettrait pourtant de le faire.
En juin 2022, dans le même esprit, le gouvernement du Québec actuel a indiqué aussi ne pas souhaiter une démarche de demande d’exemption nationale afin, tel que le prévoit la Loi fédérale réglementant certaines drogues et autres substances, que les personnes en possession de petites quantités de drogues ne soient pas arrêtées au Québec par les policiers. Il n’a pas non plus indiqué être prêt à soutenir les villes souhaitant bénéficier d’une telle exemption. Le processus de demande d’exemption est très lourd et demande beaucoup d’énergie aux organismes communautaires, énergie qui serait mieux placée dans l’offre de services comme telle. On ne constate pas non plus d’intentions du gouvernement du Québec de vouloir interpeller le gouvernement fédéral pour une véritable décriminalisation de la possession simple de drogues qui est pourtant de plus en plus reconnue comme une approche complémentaire pouvant contribuer à diminuer les décès par surdose alors que le pays est toujours sous le coup d’une crise nationale des surdoses.
En terminant, nous souhaitons rappeler que l’accès au matériel d’injection et d’inhalation a permis de réduire presqu’à zéro l’incidence du VIH chez les personnes qui consomment des drogues par injection. L’incidence du virus de l’hépatite C demeure quant à elle préoccupante, particulièrement dans le contexte de la pandémie actuelle de COVID-19.
Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux³, autour de 3 millions de seringues sont distribuées annuellement au Québec. Le nombre de seringues par personne qui utilise des drogues par injection au Québec était évalué en 2016 à 168, comparativement à 883 en Alberta, à 719 en Saskatchewan, à 315 en Colombie-Britannique et à 236 en Ontario⁴. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’il faudrait distribuer au minimum 200 seringues par personne par année.
Des solutions sont envisageables pour faire face à l’ampleur des décès par surdose et pour prévenir la transmission du VIH et du virus de l’hépatite C. Ci-après nous en identifions quelques-unes et pour lesquelles nous souhaitons connaître la position de votre parti :
Références
1. Institut national de santé publique du Québec (2022). Décès reliés à une intoxication suspectée aux opioïdes ou autres drogues au Québec.
2. Service des poursuites pénales du Canada (2020). 5.13 Les poursuites portant sur la possession d’une substance contrôlée aux termes de l’art. 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
3. Ministère de la Santé et des Services sociaux (2020). Portrait du matériel d’injection et d’inhalation de drogues remis par les directions de santé publique aux centres d’accès du Québec : 2016-2017 à 2018- 2019. 19 p.
4. Brendan JACKA et autres, « Prevalence of injecting drug use and coverage of interventions to prevent HIV and hepatitis C virus infection among people who inject drugs in Canada », American Journal of Public Health, vol. 110, no 1, janvier 2020, p. 45-50. doi : 10.2105/AJPH.2019.305379.
Cette lettre a été rédigée par nos collègues de l’Association des Intervenants en Dépendance du Québec.